Simone Veil, Nice, le 13 juillet 1927 à 8h15 (source Didier Geslain)
On ne le répétera jamais assez, dans une carte du ciel les noeuds lunaires sont les lieux où le libre arbitre, une notion que la plupart des philosophes contestent d’ailleurs (1), est le plus inexistant.
S’ils représentent des tendances psychologiques, Rahu et Ketu (les noeuds lunaires nord et sud) sont en ce sens associés à la destinée événementielle, parfois capables du pire comme du meilleur : dans le cas de Simone Veil, dont la Lune maîtresse du signe solaire (Cancer) est conjointe à Ketu et parallèle à Rahu, nous parlons d’une femme à l’enfance heureuse, puis incroyablement malmenée par la vie dès ses seize ans, qui connut l’enfer des camps d’extermination où elle perdit son père, sa mère et son frère, qui fut frappée plus tard par les disparitions soudaines de sa soeur puis d’un de ses fils et qui malgré ces tourments escalada les sommets sociaux, défendit avec acharnement la cause des femmes et celle de l’Europe et finit inhumée au Panthéon. Que l’on soit d’accord ou non avec certaines de ses idées, on ne peut que s’émerveiller du parcours de cette héroïne de la vie qui sut, malgré les épreuves traversées, ne pas céder au découragement et au chagrin, dépasser ses craintes et ses conditionnements, écarter ses rancunes, fonder une famille, servir la paix et combattre l’injustice.
L’étude de son thème astral nous aide à comprendre les clefs majeures de sa destinée.
Le grand Trigone
Cette configuration qui associe harmonieusement Jupiter/Uranus en Bélier, à Mercure en Lion et à Saturne en Sagittaire, est sa meilleure amie à laquelle elle doit :
- Une pensée méthodique, organisée, capacité de prévoir et de planifier sur le long terme (Mercure/Saturne)
- Une intelligence brillante, analytique et intuitive (Mercure/Uranus), portée par la culture, le goût des études et de la communication (Mercure/Jupiter)
- Une amplification de l’humanisme, du sens de la justice et du désir de transformer la société en profondeur (Jupiter/Uranus)
- Une structuration et une concrétisation de la bienveillance et des inspirations philosophiques (Saturne/Jupiter)
- Une structuration de l’éveil et des transformations des consciences collectives par le biais de l’appareil juridique (Saturne/Uranus)
- Une communication combative, un art d’armer les paroles et de se battre pour les souffrances parfois cachées (Mercure XII parallèle à Mars au lever)
Cette intelligence cérébrale (Mercure/Uranus), émotionnelle (Jupiter) et participant d’un principe de sagesse (Saturne), a nourri la volonté de pardon, d’entente pacifique avec le peuple allemand et de construction européenne.
Le Soleil et l’ascendant Lion
- Un Soleil en Cancer conjoint à Pluton en maison XI (amis, projets) : ombre et lumière, énorme résilience, pouvoir, soutien de personnages hauts placés.
- L’ascendant Lion appartient à ce Soleil : le comportement est teinté de loyauté, de générosité, de noblesse, du désir d’être « quelqu’un de bien » (demi-carré à Vénus). Il nourrit une confiance parfois déficiente en ses capacités et offre la fierté.
- Mars et à Neptune sont au lever : le danger et la brutalité envahissent l’espace personnel, mais les craintes générées se doublent de courage et de combativité. On y lit aussi un excès de sensibilité, un sentiment de culpabilité, une volonté d’héroïsme nourri de bienveillance (2) et d’empathie et le désir de servir de nobles causes.
- Au carré de Saturne, l’ascendant toujours, évoque le retrait, le désenchantement, un certain repli sur soi, la discrétion, la force mentale et une volonté déterminée, patiente et persévérante.
- A 8° de l’ascendant Vénus évoque l’amour et la beauté. Son quinconce à Jupiter et à Uranus renforce cette tendance, ainsi que le charme magnétique, la joie d’aimer et d’être aimée. Sa maîtrise du Milieu du Ciel montre que son charme personnel ne fut pas étranger à sa réussite. Au trigone de la Lune, Vénus évoque l’amour de ses fils, ses qualités d’éducatrice, le sens du plaisir et de la créativité.
- Le descendant (le couple) n’est pas en reste : porté par la capacité à aimer (Vénus, Lune et Jupiter), ses liens à Saturne, à Uranus et à Neptune (par un
parallèle de déclinaison pour cette dernière), lui offrirent un couple fusionnel que seule la mort sépara, tout en lui permettant, à force d’obstination, de convaincre son mari qui était la vieille école, de la laisser devenir magistrate ce qui en définitive attira toute la lumière sur elle. C’était indispensable, car Vénus souffre d’un carré à Saturne, un aspect qui évoque la réserve, le sérieux, la pérennité des sentiments, mais aussi le danger d’un étouffement dans le cadre du mariage.
- Ce même aspect évoque les souffrances affectives liées à son frère et à sa soeur disparus (Vénus maîtresse de la III), à son fils (Saturne domine la Lune en V) ainsi que les passions parfois haineuses qu’elle suscita (Vénus maîtresse du Milieu du Ciel, la carrière, la fonction).
- Egalement au carré de Neptune, Saturne en IV (la famille, les origines) décrit la souffrance d’être séparée. Son carré à Mars (par translation de lumière), indique les circonstances adverses qui la frappent tout au long de sa vie.
- Mars et Neptune au lever dominent d’ailleurs la maison de la mort (la VIII), qui la frôle physiquement de près (Mars) tout en flottant autour d’elle, la baignant d’un parfum permanent de souffrance (Neptune).
- Cette maison VIII (la mort) est occupée par Jupiter et Uranus conjoints, soulignant la soudaineté (Uranus) de certains décès (accident de voiture pour sa soeur, crise cardiaque pour son fils), ainsi que les crises, les bouleversements et l’expansion de la conscience, conséquences de chaque tragédie.
La Lune et les noeuds lunaires
La Lune est en V, soulignant l’importance de son enfance, mais aussi de ses enfants, de la créativité et des souvenirs heureux et malheureux. Sa situation en Capricorne la relie à Saturne qui trône dans la IV (la famille), en faisant une mère sérieuse et attentionnée, désireuse de re-créer ce qui lui a été pris. Elle se montre avec ses fils une éducatrice extrêmement moderne (Lune carré à Uranus), protectrice et optimiste (Lune carré à Jupiter), aimante et affectivement comblée (Lune trigone à Vénus). Ce même aspect Lune/Vénus, explique qu’elle ait qualifié son enfance de délicieuse.
L’attachement au passé est puissant et les morts (carré Lune à la maison VIII) ne la quittent pas. Le mental montre une grande générosité et un désir de justice un peu illusoire malgré tout (carré à Jupiter). Son carré à Uranus en VIII indique une volonté humaniste de vaincre les causes sociales de la mort avec un désir de tout réinventer, porté par un mental intuitif, brusque, parfois iconoclaste et une sensation intime d’être différente. Son quinconce à Mercure en XII associe l’ensemble des mémoires et des préoccupations mentales à l’intelligence personnifiée par le grand trigone : comprendre les causes lointaines, collectives, cachées parfois, de l’ensemble des souffrances (maison XII), spécialement celles vécues dans l’enfance, par les enfants ainsi que par leurs mères (Lune en maison V) et agir sur elles.
Sans doute peut-on lier cette Lune en V (les enfants, mais aussi les joies de la sexualité) à la loi sur l’avortement. Son carré à Uranus est lié au désir de révolution des moeurs et celui à Jupiter à celui de la protection des mères. Son trigone à Vénus parle d’amour et son quinconce à Mercure en XII de la nécessité de résoudre les causes d’épreuves douloureuses, le plus souvent gardées secrètes.
Les noeuds lunaires et la destinée
Les noeuds lunaires apportent ce qui manque au survol de ce thème : ils soulignent les éléments « extraordinaires » de cette destinée, marquée par les bouleversements collectifs (la guerre, l’antisémitisme, les camps de la mort), ainsi que par des tragédies personnelles. Ils marquent principalement la Lune (les préoccupations mentales, la mémoire, les instincts profonds) de leur empreinte et on les retrouve présents lors des dates clefs de son existence.
- Lune en V (l’enfance) conjointe à Ketu
« (…) Des épreuves sont vécues par le biais de l’enfance et des enfants (perte, maladie, éloignement, indifférence) (3), ou de la mère. (…) Éloignement ou détachement de la famille ». (4).
Ketu est celui qui ôte, même si en fin de compte il détache et spiritualise. Par son biais (l’expérience de la douleur), la Lune qui maîtrise la cuspide de la XII (les épreuves) symbolise la perte de la mère dans les camps (la maison XII représente les prisons) et tous les autres deuils (carré à la VIII).
« …. propice à la popularité et au succès. L’enfance est particulière, qu’il s’agisse de l’atmosphère dans laquelle on grandit ou de faits tangibles relatifs au foyer et à la famille. La relation à la mère est insatisfaisante et celle-ci est parfois liée à des événements difficiles (….) . Perte ou séparation possible d’un enfant, mais également épanouissement dans la maternité ou la paternité (….)» (5)
Rahu augmente et parfois bouleverse les faits: on a donc également la relation à la mère disparue, avec cette insatisfaction particulière la concernant : celle-ci avait dû cesser toute activité professionnelle sur l’injonction de son mari, ce que Simone Veil refusa catégoriquement.
- Rahu et Ketu au carré de Jupiter et Uranus en VIII confrontent à de nombreux deuils.
- Rahu et Ketu au trigone et au sextile à Neptune et de l’ascendant : si la destinée personnelle (AS) souffre des croyances collectives (Neptune, le poison de la propagande), le moi (AS), soutenu par Mars (le guerrier), agit sur ces conditionnements dans le cadre d’une empathie positive (Neptune), développant la capacité d’influencer le monde, ce qui est la fonction du héros.
De l’importance événementielle des transits concernant les noeuds
Le 30 mars 1944, arrestation de Simone Veil par la Gestapo, puis de sa famille
Saturne est à 21° des Gémeaux (à 5° de son Rahu). Mars est à 1° du Cancer (exactement opposé à la Lune de naissance), également à 5° de son Rahu (Mars et Saturne sont à 10° d’écart). Entre les deux astres (les « maléfiques » de l’astrologie traditionnelle), nous trouvons la Lune qui transite à 27° des Gémeaux à midi, c’est à dire conjointe au Rahu natal.
Ce même jour Rahu quant à lui est à 3°26 du Lion, à exactement 3° de son Mercure en XII : elle est trahie (la XII) par ses faux papiers (Mercure) mis en circulation par la gestapo
Mars 1945, sa mère décède du Typhus à Bergen-Belsen
Rahu est conjoint à son Pluton, maître du FC Scorpion (la mère), au quinzième degré du Cancer.
Août 1952 (je n’ai pas trouvé le jour précis), décès de sa soeur Madeleine ainsi que de son mari et de leur bébé dans un accident de voiture. Elle avait partagé avec elle les rigueurs des camps nazis
Ketu, entre 22°10 et 20°35 du Lion, est posé sur son Mars (la violence) à 22°31de ce signe.
Le 29 mai 1974, nomination en tant que ministre de la santé
L’inversion des noeuds a eu lieu trois mois plus tôt. Rahu est à 6° de son Ketu et inversement.
Le 13 août 2002 décès de son fils Nicolas d’une crise cardiaque
Les noeuds ne dessinent pas de configuration particulière mais Saturne (l’adversité), maître de la Lune en V (les enfants), est à 26° des Gémeaux, conjoint à son Rahu natal au degré près.
Le 30 juin 2017, décès
Rahu à 26°40 du Lion est conjoint, encore une fois au degré près, à son ascendant (le moi, le corps)
Ces « coïncidences signifiantes », que nous sommes encore loin de comprendre, soulignent clairement les relations mystérieuses des noeuds lunaires et de la destinée. Si ceux-ci confrontent au matériau brut, événementiel de la vie, il nous revient ensuite, par le biais de l’intelligence de l’esprit et du coeur, d’en extraire, si nous nous en montrons capables, le nectar d’immortalité.
Je termine sur ces lignes, ayant pleinement conscience que Simone Veil n’était pas croyante. Cela ne l’empêcha pas de mener la vie d’une héroïne solaire, combattant de sa lumière injustices et obscurités, quand ses ennemis, faisant nombre de professions de foi, manquèrent si singulièrement de compassion.
(1) «
(….) craignant le piège du déterminisme, l’astrologie moderne défend pourtant le libre arbitre, alors que bien des écoles de pensée l’ont réfuté, lui opposant par exemple l’ignorance des causes profondes de nos actions (Spinoza), la grâce de Dieu ou plus récemment la puissance de l’inconscient ».
L’astrologie et la mécanique de la pensée (Chap.1-L’astrologie et la pensée/A propos du déterminisme)
(2) «
.. (aptitude) à jouer contre son camp, à être acteur ou victime de médisance, d’attentats, de tourments physiques, d’arrestations arbitraires, de fausses accusations. (…) Comme pour les aspects harmoniques, des activités parfois spectaculaires associent les qualités des deux astres et la capacité à se dépasser est présente.(…) La cohabitation des deux astres est difficile sauf si Mars entre au service de Neptune, définissant ainsi le héros ».
La mécanique de la pensée (les aspects Mars/Neptune en aspects)
(3) Non seulement elle perdit un de ses fils mais le bébé de sa soeur, qu’on croyait rescapé de l’accident mourut dans ses bras.
(5) Ibid. (Lune/Rahu)