dimanche, septembre 30, 2018

L’astrologie et le sacré


« L’astrologie ne nous mène pas à la vérité ou à l’illumination, car rien ni personne ne mène au sacré qui est vivant, sans cesse en mouvement et affaire personnelle à chacun, mais elle contribue à débarrasser nos cœurs et nos esprits des épaisseurs qui les encombrent et ainsi facilite la voie. Elle garde surtout vivante la magie du monde obscurcie par le matérialisme contemporain ». (1)

Hier soir, favorisé par le ciel lumineux des montagnes méditerranéennes, j’ai pu contempler Jupiter, Saturne et Mars. Ce fut un darshan, un terme sanscrit traduisible par « vision de la divinité », ce qui, en présence de ces astres si intimement liés à nos consciences et à nos destinées, aurait semblé évident à n’importe quel astrologue des mondes anciens. Avoir ou recevoir un darshan signifie ainsi jouir d’un instant de rapprochement avec le sacré. Il y a maintenant un siècle déjà que l’on parle de désenchantement du monde (2). En relativement peu de temps nous sommes passés d’une Terre magique, empli de la beauté d’une nature vibrante, à un environnement mécanique, gris et dépourvu d’âme. Le sacré semble avoir disparu du monde et de la perception que nous en avons. Ce mot cependant est à utiliser avec beaucoup de prudence : le sacré n’est pas lié aux religions organisées, aux dogmes, à la foi, aux croyances et aux rituels. Il est d’abord une sensation au-delà de la sensation, un parfum extraordinairement subtil et puissant perçu par un au-delà du mental et des sens. Il est l’essence de l’enchantement du monde. Mais indissociable de l’origine et de la finalité de l’univers, de la vie et de la conscience, il est aussi incroyablement fragile et nous le piétinons allègrement, d’où cette situation catastrophique qui est la notre.

Toujours très brillant, Mars reste conjoint à Ketu, le noeud lunaire sud de la Lune, jusqu’au 8 octobre. Ketu est le noeud lunaire spirituel associé à la quête du nectar d’immortalité, ce mythe n’étant pas à prendre comme une explication, mais comme une compréhension. Le nectar d’immortalité est assimilable à « l’illumination », encore un terme à manier avec beaucoup de prudence, qui permet à l’être humain de rencontrer sa divinité intérieure. 

Ketu, un lieu fictif de même que l’est l’ascendant, manifeste plusieurs visages comme tous les importants lieux astrologiques, selon la compréhension que nous en avons. C’est un joyau qui pour donner son éclat doit être débarrassé de la gangue d’obscurité qui l’enveloppe, celle-ci étant faite d’avidité, d’attachement, d’anxiété, d’insatisfaction, de crainte et de pensées bruyantes et obsessionnelles, des réalités quotidiennes très en relation avec Rahu, l’autre noeud lunaire. Ainsi, tant que Ketu n’est pas correctement éveillé, il nous confronte (selon ses aspects) aux compulsions instinctives, émotives et mentales, directement en relation avec les évènements discordants, destructeurs de la conscience et de la vie. Commencée en mai, sa conjonction à Mars n’a pas été tendre entre les effrayants séismes indonésiens, les incendies les plus vastes que la Californie et la Suède aient jamais subis et le plus meurtrier de l’histoire de la Grèce, la canicule qui a ravagé l’hémisphère nord des Etats-Unis à l’Europe en passant par le Sahara,  le Japon et la Corée, avec des records de chaleur battus jusqu’en Laponie (3). Quant à la brutalité symptomatique de Mars, visible au quotidien dans les faits divers, les actes terroristes, les évènements de Syrie, du Yémen ou d’ailleurs, elle est toujours aussi féroce, ce qui nous renvoie à l’un de nos problèmes : nous y sommes si habitués, qu’on la remarque à peine. Les migrants se noient chaque jour en Méditerranée pendant que les touristes bronzent sur les plages et les violences entre les êtres humains et envers les animaux sont trop nombreuses pour être comptabilisées

L’urgence est absolue. Il ne s’agit plus de tirer des sonnettes d’alarme qui retentissent à tout va depuis des années maintenant, pendant que nous roulons à toute vitesse vers l’abîme. Alors que l’humanité dans son ensemble semble amorphe, prisonnière d’une sorte d’aveuglement suicidaire inexplicable, demandons-nous si l’astrologie a un rôle à jouer dans une prise de conscience essentielle qui nous concerne tous. Comprenant que la solution est avant tout dans nos consciences et dans notre capacité à les transformer, l’on doit se demander si la pratique astrologique consiste uniquement à étudier les individus et leurs destinées, ou encore les évènements marquants, en déployant il est vrai des trésors d’analogie. L’adepte astrologue, amateur ou professionnel, voire même dilettante, peut-il réaliser qu’il manie chaque jour un instrument relié au sacré? Qu’il fait acte de médium entre une réalité concrète, souvent difficile et un univers sous-jacent, mystérieux et incompréhensible, source et cause de nos existences? 

En d’autres termes, cela a-t-il un sens de pratiquer l’astrologie sans ressentir et donner vie à une intimité avec les astres? Une intimité, une proximité qui ne soit pas romantique ou sentimentale, c’est-à-dire provoquée par une pensée en quête de sécurité ou de merveilleux, mais qui distille la fragrance du sacré. Ne s’agit-il pas, par le biais de la géométrie céleste comprise dans sa plénitude cosmogonique, philosophique et spirituelle (4), de participer au ré-enchantement du monde? Sans doute nous faut-il pour cela écarter les interprétations matérialistes imposées à nos esprits par des siècles de conditionnements qui considèrent le Soleil, la Lune et les planètes, dont la Terre sur laquelle nous vivons, comme des morceaux de matière sans âme, dépourvus de souffle vital et qui traitent nos corps, nos coeurs et nos esprits de même façon. Ecarter ces conditionnements nocifs à nos consciences, mais sans en créer d’autres pour autant : observer le ciel quand cela s’avère possible malgré la pollution lumineuse et surtout dans l’accalmie de la pensée, ressentir la beauté, le mystère et la profondeur des astres et de la géométrie céleste, avec peut-être un peu de cette crainte révérencielle que nos lointains ancêtres expérimentaient au quotidien. Et renouer ainsi avec le sacré. Voilà ce à quoi il faut nous appliquer, avant même peut-être de nous pencher sur des thèmes astraux, qui autrement risquent fort de ne jamais livrer leurs secrets.

Mars et Ketu se séparent dans une semaine : l’on peut espérer que nombre d’entre nous aient profité de ces derniers mois pour côtoyer une spiritualité chevaleresque, c’est-à-dire associée à la notion de service. Mars, qui est peut-être notre plus épineux problème (5), devient favorable lorsqu’il se fait serviteur (6). De son coté, Uranus l’éveilleur transite au carré des noeuds lunaires pour encore quelques mois, jusqu’en mars 2019. Il nous permet, si nous le désirons, de comprendre la nocivité de l’avidité et de l’attachement, des leçons qui seront peut-être enseignées par le biais de bouleversements auxquels il faut nous attendre, tant sur sur le plan collectif que dans nos existences personnelles : il s’agit de débarrasser Ketu de sa gangue de ténèbres, afin qu’il cesse d’être compulsif et révèle sa nature centrale qui est immensément spirituelle, associé à l’humilité, à la quête intérieure et à la dissolution de l’égocentrisme. 

Si nous sommes désireux de combattre pour les forêts, les animaux, les océans, pour la terre et les générations futures, si nous avons soif de destinées signifiantes et audacieuses, de liberté et de vérité, sans nier pour autant la nécessité du plaisir, il nous faut vaincre la peur et aller au-delà de nos satisfactions immédiates et superficielles, afin de renouer avec des idéaux sans lesquelles l’humanité est en train de sombrer corps et âme. Nous ne sauverons pas la Terre et nous ne nous sauverons pas nous-mêmes, sans que nos consciences ne changent et ne se réconcilient avec le sacré. 



(2) Expression définie par Max weber en 1917

(3) Si l’on ne peut imputer les séismes à la folie humaine (quoique certains partisans de l’hypothèse Gaia n’hésiteront pas à franchir le pas), il n’en est pas de même des incendies qui sont des conséquences directes du changement climatique, de l’urbanisation à outrance sans parlers des actes criminels. Voir Records de chaleur en Europe ou encore Douze incendies géants se sont déclarés au-delà du cerce polaire 


(5) « Les aspects de Mars incitent à l’action et à la compétition. Ils inspirent l’esprit chevaleresque ainsi que la crainte et le courage de l’affronter. Mars fut longtemps baptisé la petite maléfique mais lorsque la férocité de ses désirs embrase, contracte, dessèche et cannibalise la pensée, il n’y a rien de petit en lui. Maître des champs de bataille, il anime les nombreux conflits entre le penseur et la pensée ». L’astrologie et la mécanique de la pensée (Les aspects de Mars)

(6) « L’essentiel est de manifester le Mars serviteur plutôt que le destructeur. Sa leçon est que la violence et la non- violence sont avant tout mentales. La violence extérieure est l’extension de la violence intérieure au monde qui nous entoure. La non-violence et l’action juste, non impulsive, indépendante du désir ou de la peur, sont les expressions d’un processus de pensée libéré des facettes négatives de Mars ». Ibid. Les fondations de la pensée. Mars








CENTILOQUE

CLIQUEZ SUR LE LIEN pour une version entièrement retravaillée du CENTILOQUE, un ouvrage publié en 1993 aux Editions Dervy


Extrait :


1- N°5 : caractère et destinée.


« L’astrologie dévoile les relations intimes qu’entretient le caractère avec la destinée. La destinée d’un individu est l’expression de son caractère ».


Le mot caractère nous vient du grec « kharaktêr », qui signifie un signe gravé. Il signifie également ce qui est propre à une chose, son expression personnelle, son originalité. Par extension, le caractère définit l’ensemble des traits psychiques propres à un individu.


Le caractère se rapporte à la fois à l’expression originale d’un individu et à son thème astral, le signe gravé dans les cieux, qui nous représente et nous définit.


Le caractère est au départ cette infime portion de nos êtres, qui échappe au grand nivellement imposé par l’hérédité et par l’environnement de naissance (racial, familial, social et culturel). Il est ce qui nous rend unique. Au travers de ce petit germe de liberté, la nature développe en nous, patiemment, l'espritla sagesse, le pouvoir et l’amour.


Le terme de destinée est aussi riche en enseignements : il est à la racine du mot destination qui signifie le rôle, l’usage.


Le concept de destinée implique une fonction à remplir. Le caractère actualise la destinée, c’est-à-dire le rôle que nous avons à jouer dans cette existence, un rôle qui n’est pas imposé: on continue à confondre astrologie et fatalisme, on fait d’elle le chantre du c’était écrit, comme si sa fonction se bornait à décrire une destinée transformée en fatum, en une fatalité inéluctable à laquelle nul ne pourrait échapper. C’est tout à fait le contraire, puisque l’astrologie n’a de sens que si elle nous permet d’agir sur la destinée.