vendredi, octobre 11, 2019

Platon était-il astrologue ?


Voici un titre provocateur à dessein : après tout Platon, porte-parole de Socrate, encensé ou critiqué de mille manières depuis plus de 23 siècles, le fut rarement - ou pas du tout - pour son penchant pour l’astrologie. Pourtant n’est-ce pas ce philosophe, dont on dit que tous les autres n’ont fait qu’ajouter des notes au bas des pages de ses ouvrages (1) qui s’exclame dans le Timée : 

« Dieu a inventé et nous a donné la vue, afin qu’en contemplant les révolutions de l’intelligence dans le ciel, nous les appliquions aux révolutions de notre propre pensée, qui, bien que désordonnées, sont parentes des révolutions imperturbables du ciel, et qu’après avoir étudié à fond ces mouvements célestes et participé à la rectitude naturelle des raisonnements, nous puissions, en imitant les mouvements absolument invariables de la divinité, stabiliser les nôtres, qui sont sujets à l’aberration.» (2)  

Un texte à lire et relire afin d’en extraire la moelle pleine de sens : même un astrologue peinerait à mieux définir la relation qu’entretiennent nos esprits avec la géométrie céleste, mais n’est pas Platon qui veut. 

Le philosophe bénéficia sans doute des retombées encore brûlantes de cette rencontre astrale fondatrice, décrite dans L’age axial et la conjonction Uranus, Neptune et Pluton, qui eut lieu environ 150 ans avant sa naissance et qui marque une des culminations suprême de la pensée : n’ayant lieu qu’une fois tous les 3950 ans environ, elle a engendré Lao Tseu et le Bouddha, Mahavira (le fondateur du Jaïnisme) et Pythagore (un des grands inspirateurs de Platon), les perles de la littérature sacrée que sont les Upanishads rédigés à cette époque, sans compter les destinées d’un grand nombre d’hommes et de femmes à travers le monde dont l’histoire n’a malheureusement pas gardé le nom. 

Pourquoi soulever la question?  Quelle importance pour le monde que Platon ait entretenu plus qu’un penchant pour l’astrologie ? 

L’une des raisons semblera peut-être superficielle, puisqu’elle concerne principalement la défense de l’astrologie. Il est bon que ceux qui la considèrent comme un rêve de demeurés, sachent que Platon l’appréciait à sa juste valeur. On s’attend forcément à ce qu’ils répondent que son intelligence hors pair ne l’empêcha pas d’être captif des présupposés de son époque : ne reçoit-on pas la même réponse à propos de Kepler, qui montait des horoscopes et inventa de nouveaux aspects signifiants entre les astres, tout en étant l’un des plus grands savants de son temps?  

Et si, en vérité, Platon n’était prisonnier de rien? Et s’il participa avec certains des esprits les plus brillants de son époque, tel son disciple le mathématicien Eudoxe de Cnide, à la fondation même de l’astrologie Hellénistique, appelée à devenir notre astrologie occidentale et qui essaima chez les Perses, les Arabes, les Juifs et même chez les Indiens? Car il semble bien, et je me fonde ici sur les travaux du regretté Robert Schmidt (3), que l’astrologie Hellénistique fut sciemment conceptualisée et modélisée à partir de la rencontre féconde des courants mystiques Babyloniens, Perses et Egyptiens d’avec la philosophie Grecque. 

Poussant plus loin ce raisonnement, il n’est pas impossible que certaines hypothèses dont débattent les spécialistes (4)  selon lesquelles Platon transmettait oralement un enseignement ésotérique soit vraies. Et si cet enseignement est impossible à connaître, on peut tout au moins imaginer qu’il avait quelques rapports avec l’astrologie, en tant qu’approche cosmogonique, quête du sens de la vie et en définitive instrument de transformation de la conscience. 

C’est pourquoi, une autre raison bien plus vitale de parler de Platon et de ses supposées relations à l’astrologie est que si le monde va mal, c’est parce que la nécessité de la quête du sens de la vie, lorsqu’elle ne s’est pas diluée dans les croyances héréditaires, s’est fortement étiolée, voire a presque complètement disparue. Ou pour l’exprimer autrement parce que pour la majorité d’entre nous, la vie n’a plus de signification profonde, sinon survivre en souffrant le moins possible tout en raflant un maximum de gratifications au passage, avant de vieillir dans l’amertume d’avoir manqué l’essentiel et de se demander ce qui s’est passé juste un peu trop tard. 

L’astrologie possède ainsi des racines philosophiques anciennes et profondes. Que des génies tels que Platon ou Pythagore non seulement la prenaient au sérieux, mais participèrent à son élaboration, nous prouve qu’elle a capacité à éclairer nos consciences. L’astrologie est une école de sagesse qui, à notre époque marquée par une autodestruction virulente, nous enseigne qu’en levant la tête vers ces mêmes étoiles que contemplaient les anciens Grecs et en définitive tous les peuples de la terre, il y a encore moyen d’y trouver des réponses à nos questions : ces réponses sont intérieures et elles seules sont capables de changer nos consciences et ainsi, de changer le monde avant qu’il ne soit trop tard.         

Ce texte est dédié à André Barbault disparu il y a quelques jours à l’âge de 98 ans. Dans les années 70, son célèbre « Traité d’astrologie pratique » m’a ouvert les portes de l’astrologie, comme ce fut le cas pour de nombreux futurs passionnés. Je me souviens encore de la fièvre qui m’a saisi alors que sous sa plume se dessinait, page après page, cet univers magique et extraordinairement riche de sens que je n’ai jamais cessé d’explorer depuis. Merci et bon voyage monsieur Barbault.  


(1) « Procès et réalité : Essai de cosmologie » est une œuvre du philosophe et mathématicien britannique Alfred North Whitehead, célèbre pour une citation, très souvent reprise — voire simplifiée —, qui est : « La plus sûre caractérisation de la tradition philosophique européenne est qu’elle consiste en une série de notes au bas des pages de Platon ».  (Wikipédia)

(2) Traduction de Emile Aubry

(3) Robert Schmidt, disparu en décembre 2018 fut l’un des membres fondateurs du Projet Hindsight. Mathématicien, astrologue érudit, il traduisit de nombreux manuscripts à partir du Grec ancien.

(4) Il est question d’enseignements oraux de Platon défendus par l’école de Tübingen : « À partir de 1959, deux professeurs de Tübingen, K. Gaiser et H. J. Krämer, vont beaucoup plus loin : les Dialogues, destinées au grand public, constitueraient « le plus bas degré du travail de formation de l'Académie ». Dès la fondation de son école, Platon aurait mené parallèlement une activité protreptique et exotérique dans ses Dialogues, et un enseignement oral ésotérique et systématique ». Platon - Encyclopédie Universalis - Article de Monique Dixsaut


CENTILOQUE

CLIQUEZ SUR LE LIEN pour une version entièrement retravaillée du CENTILOQUE, un ouvrage publié en 1993 aux Editions Dervy


Extrait :


1- N°5 : caractère et destinée.


« L’astrologie dévoile les relations intimes qu’entretient le caractère avec la destinée. La destinée d’un individu est l’expression de son caractère ».


Le mot caractère nous vient du grec « kharaktêr », qui signifie un signe gravé. Il signifie également ce qui est propre à une chose, son expression personnelle, son originalité. Par extension, le caractère définit l’ensemble des traits psychiques propres à un individu.


Le caractère se rapporte à la fois à l’expression originale d’un individu et à son thème astral, le signe gravé dans les cieux, qui nous représente et nous définit.


Le caractère est au départ cette infime portion de nos êtres, qui échappe au grand nivellement imposé par l’hérédité et par l’environnement de naissance (racial, familial, social et culturel). Il est ce qui nous rend unique. Au travers de ce petit germe de liberté, la nature développe en nous, patiemment, l'espritla sagesse, le pouvoir et l’amour.


Le terme de destinée est aussi riche en enseignements : il est à la racine du mot destination qui signifie le rôle, l’usage.


Le concept de destinée implique une fonction à remplir. Le caractère actualise la destinée, c’est-à-dire le rôle que nous avons à jouer dans cette existence, un rôle qui n’est pas imposé: on continue à confondre astrologie et fatalisme, on fait d’elle le chantre du c’était écrit, comme si sa fonction se bornait à décrire une destinée transformée en fatum, en une fatalité inéluctable à laquelle nul ne pourrait échapper. C’est tout à fait le contraire, puisque l’astrologie n’a de sens que si elle nous permet d’agir sur la destinée.