« La façon dont il se manifeste nous appartient en grande partie et c’est là qu’est sa clef. Saturne est lié au libre arbitre. A travers lui nous réalisons, souvent trop tard, combien nous sommes responsables des hauts et des bas de nos destinées ».
(l'astrologie et la mécanique de la pensée)
S’il en avait connaissance, l’enfant qui n’aime que courir, sauter, jacasser et jouer toute la journée n’aimerait pas ce Saturne qui le tenaille, le rabroue souvent, le force à s’instruire, à se discipliner malgré les puissantes forces qui l’animent et à apprendre à respecter les règles de la vie collective. Pourtant, lorsqu’il se concentre de longues et patientes heures durant à bâtir de fabuleux objets avec ses legos, il ignore croître déjà dans son ombre et combien l’astre du temps lui offrira peut-être, plus tard, de merveilleux plaisirs.
L’adolescent pour qui la restreinte, la tempérance ou encore l’attente, c’est-à-dire l’épaisseur ennuyeuse du temps sont souvent insupportables, peine peut-être plus encore à apprécier Saturne, lié à la frustration et à son mal de vivre : l’astre des obstacles incarne la rugosité d’une existence où tout n’est pas huilé, facile, glissant comme on le voudrait, où l’on doit patienter quand on désirerait tout maintenant, et où l’on est déçu de découvrir que les rêves de l’enfance ne sont pas si simples à réaliser.
Difficile en fait d’apprécier Saturne avant le cap des 29 ans, quoique ça se soit vu, lorsqu’il revient à son point de départ. Et pour la plupart d’entre nous, c’est bien trop tôt encore, car la jeunesse et ses désirs, ses ambitions et ses arrogances égoïstes et inconscientes n’en a pas fini avec nous, loin de là. Pourtant il poursuit son travail, nous enseignant la réflexion, l’introspection, l’acceptation, patiemment, sachant bien entendu qu’ultimement le temps est de son coté.
Et en progressant vers la maturité, ce qui arrive plus vite qu’on ne le croit, si l’on apprend à s’arrêter, à s’observer, à s’examiner, on se surprend à apprécier de plus en plus cet astre grave, difficile, sans compromission ni malice, grâce auquel nous sondons lentement les strates profondes et cachées de nos consciences.
Certes, Uranus offre des intuitions brûlantes de clarté, incisives comme des rayons lasers illuminant en un millième de seconde le paysage mental d’un éclair éblouissant, mais les ténèbres retombent bien vite. Il revient à Saturne de solidifier ces intrusions magiques de l’intelligence et de les appliquer à notre quotidien. Moins spectaculaire, il nous fait marcher pas à pas et le terrain conquis l’est pour de bon.
Neptune offre la communion et l’empathie qui entraînent dans une danse enivrante nos esprits, nos corps et nos coeurs. A travers lui, la frontière entre le moi et le reste de l’univers s’estompe parfois, nous rapprochant d’une sorte de dissolution qui n’est pas dénuée de bien-être. Mais à moins que Saturne, le socle de la spiritualité ne nous garde, nous risquons fort d’être les victimes de l’illusion de la croyance, des influences collectives, des identifications émotives, de la toxicomanie ou de l’alcool. Saturne, l’astre de la force mentale, indispensable aux neptuniens tels que les peintres, les danseurs ou les musiciens, cristallise ces instants fugaces, libère des illusions et donne chair et réalité au savoir que le monde c’est moi et que je suis le monde.
Saturne,
le sage, sous-tend ainsi l’entièreté du système astrologique dont la finalité est la réalisation de soi. Mercure nous enrichit de myriades d’informations et nos esprits virevoltent sous sa touche légère par la multiplicité des idées, la subtilité des raisonnements et la brillance des paroles, mais sans Saturne il reste vain et superficiel, échoué à jamais à la surface du mental. Vénus distribue ses perles de beauté et de sensualité, sa délicatesse esthétique, sa gentillesse et sa joie d’aimer, mais Saturne «
Celui qui purifie » extrait l’amour de la sentimentalité égocentrique, faite de possessivité et de souffrances. Par lui le Soleil noble et loyal se débarrasse de son arrogance orgueilleuse. Par lui la Lune instinctive, incarnation du moi changeant ébloui par ses innombrables reflets, apprend lentement son peu d’importance. Par lui Mars, sans lequel nous n’oserions combattre nos peurs, mais que la colère et l’agressivité obscurcissent, apprend à servir. Par lui le grand Jupiter, roi et protecteur, mais aussi jouisseur impénitent pris au piège de la satisfaction de soi et souvent indifférent à celle des autres, se fait voyageur des contrées intérieures, c’est-à-dire philosophe. Pluton lui-même, malgré ses nombreuses obscurités et sa quête incessante des sensations, apprend à libérer et à régénérer s’il laisse Saturne lui enseigner comment regarder la mort en face. Quand aux noeuds lunaires, à Rahu et à Ketu, il n’est pas question qu’ils fabriquent
le nectar d’immortalité sans passer par lui.
Le temps de Saturne, Jupiter et Uranus
Consacré à
Jupiter en Balance, le dernier billet montrait comment cet astre a capacité à nous apporter ce dont nous manquons le plus actuellement : l’expansion de la conscience, par le biais de la philosophie, de la tolérance, de l’émergence de nouveaux paradigmes de la pensée et par l’éveil à la finalité de nos existences. Le roi du ciel adresse deux longs sextiles à Saturne (du 7 octobre 2016, plus ou moins, au 12 mars 2017 puis de la fin juillet à début octobre 2017 ), alliant inspiration et structure, philosophie et réalité du vécu.
Cette belle entente se fait sous le patronage du long trigone de Saturne à Uranus (de la mi-novembre 2016 au solstice d’hiver 2017!), ce qui les associe harmonieusement et intelligemment, offrant de la structure, de la densité et de la profondeur à la perception directe et intuitive de la vérité, tout en facilitant son application à notre quotidien. Ainsi, quoique nous traversions une bien sombre période, peut-être n’est-il pas vain d’espérer qu’un peu de sagesse éclaire nos esprits et nos coeurs ces temps prochains.
Saturne et la méditation
Si l’on pratique l’astrologie on gagne beaucoup à savoir « sentir » les moments astraux : le plus souvent c’est la Lune qui nous connecte aux planètes ou au Soleil, par l’intermédiaire de notre thème, mais aussi, en relation avec l’astrométéo mondiale, qui n’a rien à voir avec l’horoscopie industrielle.
La pratique aidant, sans avoir à consulter les éphémérides, on aiguise sa sensibilité et l’on reconnaît, mentalement, émotionnellement et même physiquement, les astres qui dans leur ronde incessante nous inspirent, nous tourmentent parfois et nous enrichissent toujours.
Saturne ce peut être l’humeur qui se fait soudainement maussade, sombre, pessimiste peut-être, semblant ôter la fantaisie et le piquant de l’existence. Ou encore l’on se sent sérieux, pondéré, réservé, peu enclin à rire, plus enclin à chercher, à étudier, à penser. Maintenant, si l’on a travaillé Saturne, si l’on a su l’apprivoiser, c’est-à-dire le laisser nous enseigner sa voie, le voilà qui nous prend par la main. Nos pensées calmées, ralenties, détachées du moi baignent alors dans une sorte de densité sereine, riche, enveloppante, comme si nous étions soudainement transportés au sommet d’une montagne, le regard tourné vers l’intérieur et pourtant capable de voir jusqu’aux confins de la terre. On sait alors que sa bénédiction est sur nous. Saturne incarne la méditation au sens le plus précis du terme, qui est l’émergence d’un silence empli de tous les possibles. Dans ces moments là, vraiment, on aime Saturne.