Depuis la mi-décembre 2014 Neptune subit un premier carré de Saturne, actif jusqu’à la fin avril 2015 environ. Cet aspect tendu reprendra des premiers jours d’octobre 2015 à la mi-février 2016. Il se répétera enfin à nouveau de la fin mars à la mi-novembre 2016. Autant dire que les deux années qui viennent en sont fortement colorées, avec pour résultat un brouillage de cartes déjà compliquées.
Le carré de Saturne à Neptune
Aspect provient du latin aspectus ou action de regarder. Les astres voyageurs se voient, se regardent, se contemplent dans une danse créatrice de sens. Ces regards sont définis par des angles remarquables relatifs à diverses divisions du cercle (1). Selon la nature de celles-ci les relations sont harmoniques, dissonantes ou mixtes (ambivalentes). Ces aspects, ces regards constituent sans doute l’essentiel de ce que nous ressentons des mécanismes astrologiques, qu’ils concernent l’atmosphère collective ou nos thèmes individuels.
Ainsi, aussi importante soit-elle, l’entrée de Saturne en Sagittaire dont il a été récemment question, a sans doute moins d’impact que son transit au carré de Neptune. Comme ce dernier est lié à l’empathie, à l’identification, à l’illusion et à la souffrance, de véritables durcissements du mental et de l’émotion affectant l’ensemble de la population mondiale sont à craindre. Il y a de fortes chances pour que les circonstances, c’est-à-dire la réalité vécue, s’en ressentent : ne sommes-nous pas en grande partie co-créateurs de notre réalité ? Neptune se tient derrière le principe fondamental disant « je suis le monde et le monde c’est moi ». Nous risquons d’oublier ce fait un peu plus, avec pour conséquence un isolement psychique stérile et douloureux. Nous parlons ici de la sensation d’être séparé (Saturne) et de la souffrance (Neptune) de ne pas appartenir, à l’origine de bien des comportements néfastes.
S’il s’agit de mouvements affectant les couches profondes de la conscience collective, d’innombrables individus en sont affectés : croire que ce type d’aspect n’a pas d’impact au niveau personnel est une erreur. Les caractéristiques de chaque thème en décident et les individus marqués d’une façon ou d’une autre par les signes mutables (Gémeaux, Vierge, Sagittaire et Poissons) se tiennent en première ligne (2).
A quoi s’attendre ?
Les valeurs neptuniennes d’empathie, de communion, de fusion, de sacrifice et parfois de mysticisme se heurtent à la rigidité des systèmes, à la sécheresse des structures, à l’étroitesse des règlements, aux tendances séparatives, à la froideur et à l’indifférence qu’un Saturne négatif représente trop souvent. Quant à la force mentale, la discipline, la probité, la patience et la détermination que Saturne positif symbolise, elles souffrent de la paresse, de la sinuosité, de la sentimentalité, des mensonges, de l’hypocrisie et de la dissimulation qui sont des attributs négatifs de Neptune. Les croyances héritées, les règles, les contraintes et les rituels, menacent l’authenticité du cœur alors que simultanément, l’hypocrisie religieuse, la lâcheté et la faiblesse des principes moraux ternissent le souhait de purification saturnien.
Figé dans ses structures, en quête d’invulnérabilité, le mental résiste au flot émotionnel ou tend à le figer, à le contrôler, le refroidir ou supprimer ses manifestations. Les défenses dressées contre la souffrance insensibilisent et isolent. La crainte de l’empathie se manifeste dans une difficulté à se fondre, à lâcher prise, à s’abandonner aux atmosphères et à l’inspiration. Les craintes de la vacuité intérieure, de la vulnérabilité, de la trahison et de la déception influencent les orientations. En quête d’une structure la pensée s’identifie facilement à un modèle, à une discipline ou une cause. De possibles sensations d’étouffement ou d'enfermement se font jour et la tendance est à la résignation ou à la douleur silencieuse. La cuirasse craque cependant parfois à l’usure ou sous la pression d’évènements, de rencontres ou de forts remous émotionnels.
La peur d’être déçu incite au scepticisme spirituel alors que simultanément l’oubli de soi est recherché dans l’effort, l’anonymat, la discipline, la participation à un projet communautaire. Le salut est également recherché dans la négation (Saturne) des désirs, ce qui mène à l’empoisonnement du corps et de l’esprit. Associés à Neptune, l’alcool ou la toxicomanie, mènent au même résultat. Alimentée par l’aspiration à la communion (Neptune), la foi est pervertie par les croyances rigides (Saturne), l’émotion et la propagande (Neptune) qui à leur tour corrompent la discipline et la réflexion (Saturne).
Si l’alcool ou la toxicomanie aident, parfois dans un premier temps, à se libérer de la citadelle intérieure, la méditation et la renonciation prennent facilement le relais. Un désintérêt pour les mouvements collectifs et les modes peut être expérimenté, alors que parallèlement les causes sociales sont prises au sérieux. Un certain mépris est ressenti pour les débordements sentimentaux. Le durcissement et la sévérité sont fréquents malgré un apitoiement sur soi mal reconnu et l’indifférence ou à la sécheresse du cœur menacent.
Le cadre Uranus/Pluton
De même que les astres, les aspects ne sont jamais isolés mais fonctionnent par emboîtements. Il n’est pas inutile de rappeler que le carré Uranus/Pluton obscurcit le psychisme collectif depuis plusieurs années, s’infiltrant dans les moindres recoins des consciences et influençant les comportements individuels par le biais d’une recrudescence de l’autoritarisme, du fanatisme, du matérialisme, de la quête de la domination et de la fuite de la peur.
Pluton représente les vrais pouvoirs (multinationales, puissances financières, maffias diverses) et Uranus symbolise à la fois le rouleau compresseur technologique et les aristocraties dirigeantes corrompues par les valeurs plutoniennes. Neptune est représentatif de la population vulnérable à la propagande sous toutes ses formes (publicité, endoctrinement politiques, philosophiques ou religieux par le bais de la télévision, des médias de masse et de plus en plus d’internet). Ainsi pris en otage par Uranus et Pluton, Neptune pousse les consciences souffrantes vers ses refuges habituels que sont l’illusion, l’alcoolisme, la croyance ou l’identification.
Saturne à son carré ne peut que durcir un peu plus les réactions collectives causées par la souffrance mentale et les déceptions. La destruction des illusions (Neptune) impliquée par Saturne (pessimisme) s’avère parfois positive, mais elle mène souvent dans les bras de Pluton (le cynisme). Garder ses œillères n’est pas un meilleur choix, cela bénéficiant uniquement au consumérisme et à la destruction de la planète et aboutissant en fin de compte à un Uranus négatif (fanatisme, autoritarisme), par le biais de l’identification (Neptune) à une cause (Uranus).
La force mentale et la souffrance
On réalise que le défi de ce carré consiste à permettre à Saturne, à la fois lié à la crainte et à la « sagesse », de résoudre le problème multi-millénaire de la souffrance que symbolise Neptune. Toute la question est comment s’y prendre, car, comme on vient de le constater, un aspect tendu trouve difficilement les bonnes solutions et l’humanité a beaucoup essayé mais peu réussi en ce domaine, malgré quelques indéniables succès.
Saturne en Sagittaire est tenté de contenir le féminin Neptune en Poissons (inspiré et empathique mais aussi permissif et paresseux, porté à l’oubli par tous les moyens), par le biais de la discipline et de la rigidité. Le mental saturnien cherche à brider la sentimentalité et la vulnérabilité neptunienne, le tout résultant en un conflit entre le cœur et l’esprit. La souffrance risque ainsi d’être renforcée. Voilà le problème ancien auquel nous confronte Saturne lorsqu’il n’est pas compris : parce que marqués par l’intolérance et la discipline conflictuelle, ses efforts vers la tempérance et la sérénité mènent à plus de stress et à un véritable mal de vivre.
Du pessimisme à l’optimisme
Saturne est associé au pessimisme et il est vrai qu’à regarder le monde dans lequel nous vivons, il est facile de céder à cet état d’esprit. Afin d’éviter que le carré à Neptune renforce cette tendance, on doit comprendre que ces deux astres sont également porteurs des plus anciennes sagesses. Saturne parce qu’il est le portail de la spiritualité qui passe par la réflexion, la méditation, la tempérance et la discipline intelligente. Neptune parce qu’il abolit la frontière entre le moi et les autres, écartant ainsi les futilités destructrices que sont les nationalismes et autres tribalismes exacerbés. Et parce qu’il détruit ultimement les limites entre le moi et l’au-delà de la pensée, condition indispensable à la paix intérieure et à l’amour.
Dépasser les tensions entre Saturne et Neptune permet d’exprimer la quintessence de ces deux astres :
« Neptune tend vers la dissolution du mental et Saturne vers sa cristallisation dans le temps. Neptune mène à l’illusion et à de possibles débordements et Saturne à l’enfermement et au durcissement. Les deux astres semblent irréconciliables et pourtant leur alliance est indispensable. Neptune représente ce talent de perméabilité psychique, d’ouverture totale, nécessaire au lâcher prise, à l’absence de craintes et à la non-séparation. Ce talent est à conquérir et à affiner, afin d’éviter de se perdre dans les illusions ou d’approcher la folie d’un peu trop prêt ce qui arrive lorsque l’énergie neptunienne manque de discipline et de fondation. La fonction de Saturne est de servir de socle à Neptune.
L’énergie saturnienne va cependant souvent trop loin, la volonté se durcit et domine l’émotion, parfois jusqu’à détruire l’empathie, avec pour l’objectif souvent inconscient de ne pas souffrir.
L’origine de la souffrance est à découvrir en Neptune : pourquoi souffre-t-on d’être séparé ? Pourquoi cette incapacité à vivre sans dépendance et sans crainte ? Est-ce parce que nous sommes une minuscule partie d’un organisme et que la cellule individuelle supporte mal l’isolement ?
Laisser la réflexion emprunter ce cheminement révèle l’énorme différence entre la douleur de l’isolement et la joie de la solitude, qui est l’art d’être à la fois seul (Saturne) et en contact avec l’univers entier (Neptune).
Le lâcher prise nécessite un enracinement, une solidité de caractère propre à Saturne, qui représente la force d’un mental qui ne dépend pas de définitions ou d’identifications superficielles pour se persuader d’exister. Sans lui, c’est-à-dire sans simplicité et sens de la réalité, il n’est pas de réalisation véritable et c’est en prenant appui sur lui que Neptune s’élance vers le vide chanté par les mystiques du monde entier ».
(Extrait de « L’astrologie et la mécanique de la pensée » ouvrage à paraître début 2015)
(1) Les conjonctions divisent le cercle zodiacal par 1, les oppositions par 2, les trigones par 3, le carré par 4 et le sextile par 6 (2x3).
(2) Pour l’année 2015, les thèmes dont les premiers décans de ces signes sont occupés par un astre, un angle ou encore un nœud lunaire sont particulièrement concernés.